Streamline 45

Streamline 45
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Sous un ciel couleur d’acier brĂ»lĂ©, le 45ᔉ parallĂšle rampe comme une cicatrice sur la carcasse du monde. Les poteaux Ă©lectriques grincent
dans le vent chargĂ© de poussiĂšre, leurs cĂąbles tendus comme des nerfs prĂȘts Ă  rompre.

Les usines, mortes depuis des décennies, regardent encore vers le sud
avec leurs yeux crevĂ©s de fenĂȘtres hautes, pendant qu’au nord, les forĂȘts noircies attendent que la pluie acide leur rende des racines.

Personne ne voit la ligne. Mais ceux qui la traversent entendent un grondement sourd, comme le battement mécanique
d’un cƓur enfoui sous la terre —
un rythme qui ne cesse jamais, mĂȘme aprĂšs
la fin des hommes.

Certains disent que la ligne respire. Qu’elle expire des brumes froides, chargĂ©es d’odeurs mĂ©talliques et de murmures qu’on ne peut oublier.
D’autres prĂ©tendent qu’elle marque le milieu exact d’un monde fissurĂ©, oĂč les lois changent de texture comme le mĂ©tal qui se tord sous la chaleur.

À l’est, les rails rouillĂ©s disparaissent dans un horizon sans relief, et chaque pas rĂ©sonne comme si le sol creux attendait de cĂ©der. À l’ouest, les routes effacĂ©es ne mĂšnent plus qu’à des carrefours vides, oĂč le vent feuillette des affiches dĂ©composĂ©es annonçant des guerres
qui n’ont jamais cessĂ©.

La ligne n’appartient Ă  personne, mais elle rĂ©clame tout ce qui s’y attarde.
MĂȘme les ombres semblent hĂ©siter avant de la franchir, de peur que leur forme ne soit avalĂ©e
par la rouille et la poussiĂšre.

Here lives the boy next line

In the shadow where bodies seek,
where night stretches like a whispered secret,
a silent dance unfolds,
at the edges of desire,
where the chains of convention break.

It is a fragile ardor, a fire
that burns without flame,
a pact of surrender and trust,
where pain and tenderness intertwine,
like a breath both harsh and gentle.

In this rite of offered souls,
silences speak louder than words,
and every shiver is a sentence,
a promise etched upon the skin,
a moment suspended beyond time.

Il marchait depuis trois jours.
Ses bottes, fendues au talon, laissaient entrer
la poussiĂšre grise qui collait Ă  sa peau
comme une seconde croûte.
Il ne regardait ni à l’est, ni à l’ouest.
Seule comptait la bande invisible
qu’il sentait approcher dans ses os. Il avait entendu les histoires, les voix de ceux qui revenaient changĂ©s ou qui ne revenaient pas du tout. Certains parlaient d’un silence si dense qu’il vous emplissait la tĂȘte jusqu’à faire Ă©clater vos souvenirs. Lui ne croyait pas aux histoires,
mais il savait reconnaĂźtre un battement.
Et depuis l’aube, il sentait ce pouls profond rĂ©sonner contre ses cĂŽtes.

Au loin, un poteau électrique penchait, hissé
tel une croix tordue au-dessus de la steppe.
Les cùbles, effilochés, chantaient sous le vent
une note unique, presque humaine. Il sut alors qu’il Ă©tait arrivĂ©. Il posa le pied sur la ligne.
Le sol vibra. Pas comme un tremblement de terre,
mais comme si quelque chose se réveillait en dessous.

De l’autre cĂŽtĂ©, rien ne semblait changer.
Le mĂȘme ciel d’acier, le mĂȘme souffle de vent. Mais ses oreilles bourdonnaient,
comme si tout son corps venait d’ĂȘtre plongĂ©
sous l’eau.

Il fit un pas, puis un autre. Chaque mouvement soulevait une odeur plus ùcre, mélange de fer rouillé et de chair froide.
Les ruines, lĂ -bas, semblaient plus proches qu’elles ne l’étaient quelques instants plus tĂŽt.
Les murs Ă©ventrĂ©s luisaient d’un reflet qui ne venait pas du soleil. Il cligna des yeux. 

Une silhouette se tenait au bout de la rue déserte.
Immobile. Trop immobile. Il ouvrit la bouche pour parler, mais le bourdonnement s’amplifia d’un coup, transformĂ© en une pulsation sourde, rĂ©guliĂšre, qui s’accordait au battement de son propre cƓur. Et alors, la silhouette avança.
Pas vers lui — vers la ligne.

Quand elle la franchit, elle se fragmenta, comme un dessin brĂ»lĂ© au ralenti. Et ce qui resta, ce n’était plus tout Ă  fait humain.

Aisselle citoyen, formez vos ceinturons !