Télépathes électriques

Les Télépathes Électriques

Ils marchent dans le silence des fibres,
là où le courant pulse plus vite que la pensée humaine. On les appelle les télépathes électriques — pas des voyants, non,
mais des récepteurs nus, des antennes de chair, soudées à la pulsation du réseau.

Leur langage n’a pas besoin de bouche.
Les mots jaillissent en éclairs, en impulsions. Ils flottent entre les crânes, traversent
les murs, les continents, les corps. L’émotion devient onde, la peur se module en fréquence basse, le désir explose en crépitements bleus. Rien ne leur échappe, ni l’inavoué,
ni le murmure intérieur que l’on croyait
à l’abri dans les replis du crâne.

Ils ne rêvent plus comme nous.
Le sommeil leur est un téléchargement d’images, de souvenirs étrangers, d’architectures fractales
bâties sur le nuage. Ils ferment les yeux,
et leur esprit dérive dans un labyrinthe
de néons et de données,
touchant des âmes
sans visages.



Ils ont oublié les limites.
Le corps est devenu un simple relais.
Ce qu’ils cherchent, ce n’est plus le contact,
mais la fusion — pure, instantanée, sans friction.
Un battement synchrone de milliers
de consciences câblées au même vertige.

Mais parfois, dans la pluie statique des signaux,
un silence tombe. Un noir. Une absence.
Un souvenir d’avant l’électricité.
Une voix humaine, peut-être,
qui ne voulait pas être entendue.

Et là, dans cette faille, ils comprennent
qu’ils sont seuls. Reliés à tout,
mais déconnectés d’eux-mêmes.
Télépathes, oui.
Mais qui n’écoutent plus leur propre cœur.

Alors l’un d’eux, un soir, coupe tout.
Il s’assied dans la nuit, loin des ondes.
Et dans ce mutisme ancien,
il entend enfin quelque chose de pur :
un souffle, une pensée lente,
un mot qu’aucun signal ne peut porter. Il sourit.
Et recommence à apprendre le silence.

Aisselle citoyen, formez vos ceinturons !